Voyage d’été 2009

par Aurélie Devoivre

Le « G » se prononce « K » comme dans Gamsa Hamnida, parce qu’à mon sens, il s’agit bien là d’un merci.
Merci d’avoir osé partir : un matin de juin, j’ai annoncé mon voyage à ma famille adoptive. Comble de malchance, ce jour là un avion a explosé et un dictateur a parlé de la bombe nucléaire.
Il m’a fallu attendre « le dernier moment » tellement j’appréhendais leur réaction :
par peur de les décevoir, par culpabilité et surtout par frayeur. De la Corée, j’ignorais tout : aucune émission radio, aucun reportage TV, pas même un livre.
Il me fallait voir par moi-même, mais voir, cela voulait dire rouvrir la porte du passé et notamment la question de la famille biologique.
Étais-je prête à renouer avec tous ces sentiments que j’avais délibérément laissés de côté, parce qu’à 28 ans il faut aller de l’avant et cesser de se considérer comme une victime.
Merci d’être revenue dans ce pays, qui m’a vu naître. Cette péninsule qui en une génération a changé du tout au tout.
Ironie du sort, en 1988, les JO font apparaître la Corée comme une puissance économique, en France on instaure le premier minima social.
Sur place, j’ai ressenti par brefs instants, cette impression étrange de « déjà-vu, déjà-senti, déjà-écouté », mais peut-on dire que l’on se sent « chez soi » alors qu’on ignore tout de l’histoire, de la langue et des codes culturels ?
Cette ambivalence m’a parfois laissé un goût amer, je me sentie honteuse (tant d’énergie perdue à nier cette partie de moi qui ne demandait qu’à s’épanouir) et puis pleine d’espoir, était-il possible, maintenant que je savais, de pouvoir rattraper le temps perdu : mettre entre parenthèses sa vie française et découvrir ses racines, se réapproprier une partie de son histoire ? Après tout, pari fou ou rêve éveillé ? « À coeur vaillant, rien d’impossible » !
Toutes ces interrogations me laissent encore perplexe aujourd’hui, j’imagine que seul le temps pourra apporter des réponses, et un mail, de l’espoir, mais j’ai bien conscience qu’il n’y aura pas de « réponse idéale » qu’il me faudra être confiante.
Alors, merci car à partir de maintenant je sais qu’il me sera toujours possible d’avoir le choix.
Le choix de me dire que quelles que soient mes décisions, l’important n’est pas de savoir s’il l’on est heureux ou malheureux mais de faire de son mieux pour ne pas être malheureux.